Depuis le 1er mars, vous pouvez contester l’esprit d’une loi fiscale. Vient en effet d’être instaurée une procédure spéciale, dite question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui permet un accès citoyen au Conseil constitutionnel. Sachez l’utiliser à bon escient !
Rappelons d’abord que le Conseil constitutionnel a pour vocation de reconnaître une possible non-conformité d’une loi au regard des « droits et libertés que la Constitution garantit » (article 61-1 de la Constitution), dans le cadre de son activité de contrôle des travaux du Parlement. Voici quelques exemples parmi les plus marquants. D’abord, c’est à lui que revient le devoir de garantir le droit de propriété. Il pourra donc retoquer une loi votée par le Parlement (qui, pourtant, représente le « peuple ») en matière de création d’impôt, tant il est clair que ce type de prélèvement affecte le droit de propriété. Autre exemple, le Conseil constitutionnel s’assure du respect des principes républicains, parmi lesquels la fameuse mention « égalité ».
En ce sens, il veillera à ce que les prélèvements soient proportionnels aux capacités contributives de chacun. Illustration récente : la taxe carbone fut censurée en raison du grand nombre d’exonérations pour les industriels, ce qui créait une rupture d’égalité manifeste devant l’impôt…
Notez que le Conseil statue fréquemment en matière de fiscalité patrimoniale, ce qui ne manque pas, là encore, d’avoir des conséquences concrètes pour vous. Ainsi, le 30 décembre 1981 (déc. numéro 81-133 DC), il valide le principe d’inclusion pour leur valeur en pleine propriété des biens détenus en usufruit dans l’assiette taxable de l’ISF. Pour cela, il part du principe que les revenus tirés de l’usufruit permettent de s’acquitter de la cotisation. Le 29 décembre 2005 (déc. numéro 2005- 530 DC), une initiative politique phare, relative (déjà !) au plafonnement des niches fiscales, se heurta à la censure des sages, au motif que le nouvel article était trop complexe, incompréhensible pour le contribuable… voire par des professionnels aguerris !
Cependant, l’exercice de la QPC est strictement encadré. D’abord, il ne peut intervenir que dans le cadre d’une procédure contentieuse à l’encontre du fisc, en rapport direct avec le litige. C’est le juge qui décidera alors de transmettre (ou non) votre question à la Cour de cassation (Cass.) ou au Conseil d’Etat (CE).
Ensuite, c’est l’une de ces deux juridictions qui appréciera l’intérêt éventuel de solliciter le Conseil constitutionnel, le dénouement de « l’affaire dans l’affaire » devant intervenir dans un délai de six mois.
En revanche, toute question dépourvue de caractère sérieux sera immanquablement écartée : le législateur veut éviter que cette nouvelle loi ne permette à de fins procéduriers de gagner du temps ! Au total, même s’il convient d’user sans abuser de cette troisième voie, c’est tout de même une avancée très significative en matière de « démocratie fiscale », puisque, auparavant, il fallait au moins soixante parlementaires pour pouvoir saisir le Conseil. Deux mois après son introduction, on relevait déjà vingt-et-une QPC en examen par les Cours suprêmes (dix-sept en CE, quatre en Cass.), dont trois étaient déjà transmises aux sages de la rue de Montpensier…